Filmer une interview comme à la télévision

Reportage, film d’entreprise, documentaire, vidéo YouTube, vous allez devoir assurer une interview comme à la télévision. Quand on réalise un film, c’est un exercice incontournable. Mais vous n’êtes pas à l’aise avec cet exercice ? Voici les solutions !

Lors de ces 30 dernières années, je ne compte plus le nombre d’interviews que j’ai réalisées. Certainement plusieurs centaines.

Ayant travaillé dans la presse écrite, à la radio et dans l’audiovisuel, les plus délicates restent, sans conteste, celles qui sont filmées.

Pourquoi ?

Parce qu’il faut gérer un grand nombre de paramètres. Le contenu, cela va de soi. 
Et la forme, c’est évident.

Tout se complique lorsque l’interviewé, stressé par l’exercice, ne parvient pas à donner le meilleur de lui-même. 

Il est très bon en « OF » (hors caméra). Et puis, il suffit que l’on commence à tourner pour qu’il se bloque et n’arrive plus à faire des phrases cohérentes les unes les autres, rendant son discours incompréhensible. 

On a l’habitude de dire qu’une bonne interview, c’est le talent conjugué de deux personnes : l’interviewer et l’interviewé. 

L’interviewer, car il doit poser les bonnes questions et avoir un cheminement logique avec un ou plusieurs messages à faire passer.

L’interviewé, parce qu’il doit être capable de raconter une histoire et être à la hauteur de ce que sa société est capable de produire. C’est d’ailleurs sa seule préoccupation. 

À vous de l’aider en le rassurant et s’il le faut, en le conseillant sur la manière de faire.
Une interview filmée, et radio aussi d’ailleurs, doit être une synthèse. 

L’image, c’est avant tout de l’émotion. Entrer dans les détails n’a donc pas de sens.
Et c’est surtout inefficace en audiovisuel. 

Assurer une interview comme à la télévision, c’est dompter l’émotion !

Les plus grands communicants l’ont compris. L’image, c’est avant tout de l’émotion.

Vous aurez ainsi la tâche de rassurer votre intervenant, notamment si vous le sentez fébrile.

Il faudra être très rassurant au moment de tourner.

N’oubliez pas que vous vous posez en expert. Et si on a fait appel à vous, que l’on vous paye, c’est aussi pour expliquer comment communiquer devant une caméra.

Et puis, il y a tout le reste : le placement de la caméra, la composition du cadre, le son, la lumière…

Tout cela, plus le « reste », est finalement de votre responsabilité ! 

Le réalisateur doit être aussi un metteur en scène. 
Voyons ensemble comment vous allez mettre en place tout cela.

Le choix de l’emplacement de l’interviewé

Bien placer son sujet dans le cadre, c’est primordial. Mais ce n’est pas suffisant.
En fonction de ce qu’il a à dire, il faut également bien choisir l’environnement dans lequel il va prendre la parole.

Imaginez un entretien filmé avec un boulanger devant une boucherie !

Cela n’a pas de sens. Et assurer une interview comme à la télévision, c’est d’abord en créer.

Donc, faites de même à l’intérieur d’une société.

Si vous interrogez un responsable de production, privilégiez un atelier plutôt que la cafétéria. Le contexte doit être en phase avec la fonction de l’intervenant et avec ce qu’il raconte.

Important : si plusieurs personnes d’une même société doivent intervenir, ne faites jamais deux interviews au même endroit, même si les deux sujets exercent la même fonction.

Changez de lieu, toujours en trouvant une cohérence entre le discours et l’environnement. 

L’arrière-plan, c’est votre décor

L’arrière-plan, puisqu’il s’agit bien de ça, doit aussi apporter des informations, sans toutefois être perturbants. Par exemple, évitez de placer votre sujet devant la porte des toilettes de l’atelier parce qu’une grosse machine entre dans le champ à cet endroit ! 

N’oubliez pas qu’après l’interview, vous pourrez filmer des plans de coupe
Ils serviront également à illustrer le discours de l’intervenant.

Même en pleine discussion, car l’interview est une discussion, vous devez toujours avoir un œil qui traîne. Des ouvriers peuvent s’arrêter de travailler pour voir leur collègue en train d’être interviewé, ignorant qu’ils sont dans le champ ! 

Ce type d’incident phagocyte les propos de l’interviewé parce qu’il perturbe les spectateurs, distraits par des comportements pouvant paraître cocasses. 

Si les conditions d’enregistrement sont vraiment très difficiles, la dernière option sera le fond uni. Soit blanc, soit noir. Soit éventuellement un fond vert permettant de faire une incrustation. 

Mais là encore, selon la nature des propos, le fond noir, par exemple, ne sera pas raccord avec le sujet parce que le noir passe pour être une couleur « dramatisante ».

Retenez que par définition, un film d’entreprise se fait dans un décor. Celui de l’entreprise ! 

Voilà aussi pourquoi les repérages sont importants. Ils permettent de discuter en amont des lieux de tournage des interviews.

Le placement du sujet dans le cadre

Vous l’avez sans doute remarqué, lorsque vous visionnez une interview à la télévision, il existe un tas d’options pour mener l’entretien : assis, debout ou en mouvement, il va falloir choisir. Et éventuellement changer très vite d’option !

En effet, certaines personnes, filmées debout, vont avoir tendance à bouger, à se balancer à cause du stress de la caméra.
Ou parce qu’elles sont naturellement nerveuses.

Si tel est le cas, la position assise sera plus appropriée. Attention à ce qu’a contrario, elles ne finissent pas avachies dans un fauteuil trop confortable.

Il faudra être soucieux de tous ces détails.

Dans notre exemple, celui du responsable d’atelier, la position debout est tout de même idéale. Peut-être que de le placer à moitié assis sur un coin de table pourrait être la solution intermédiaire ?

Quoi qu’il en soit, soyez attentif et remédiez rapidement à ce type de problème.

Il n’y a rien de plus désagréable pour un interviewé d’entendre ce genre de remarque, une fois l’entretien terminé. 

Généralement, c’est à ce moment-là que la tension redescend. Vous pouvez imaginer ce qui peut se passer dans sa tête si vous lui dites qu’il va devoir tout recommencer ?

Et en plus, cela ne fait pas très professionnel. C’est donc du négatif pour tout le monde !

Placement de la caméra et cadre 

L’emplacement de votre smartphone, DSLR ou caméra, posé sur un pied pour que l’image soit bien stable, va déterminer la composition de notre cadrage.

Il n’y a rien de plus détestable, comme on le voit parfois, d’avoir un sujet dont le regard vise le plafond, tout simplement parce qu’il est assis et que l’interviewer est debout. 

L’objectif doit être au même niveau que les yeux de l’interviewé.
Ainsi, pas de plongée ni de contre-plongée

Pour ce qui est du cadre, comme en photo, on va privilégier la règle des tiers. Celle-ci découle d’un constat : la façon dont les yeux lisent une image. Autrement dit, ils se déplacent sur les lignes directrices des tiers de l’image.

Dans la mesure du possible, il faudra mettre les zones d’intérêt à l’intérieur de ces lignes fortes et le plus près possible des points de force (cercles rouges) puisque ce sont à ces endroits que nos yeux iront prendre les informations.

Prise d'image et cadrage lors d'une interview à l'aide de la règle des tiers

Comme on le voit sur cette capture d’écran ci-dessus, la jeune fille au micro est placée sur le côté droit de l’écran. Son regard occupe le premier tiers droit supérieur de l’image. Étant placée à droite du cadre, son regard pointe vers la gauche, le côté de l’écran le plus « ouvert », vers l’interviewer qui, lui, reste hors champ.

Si elle était placée à gauche de l’écran, son regard pointerait vers la droite, toujours en appliquant la règle des tiers.

Ce regard est appelé ¾ face. Pour cela, l’interviewer doit se placer assez près de la caméra, de votre smartphone ou DSLR.

Lors d’une interview, ne placez jamais l’interviewé au centre de l’écran.

Nous venons de la voir, le sujet doit occuper une grande partie du cadre dans sa zone (tiers droit de l’écran). Cela permet de comprendre vers où l’axe du regard se dirige, en l’occurrence ici, vers l’interviewer. 

Le spectateur est donc un témoin. Cette indication est importante et il est toujours utile de la préciser juste avant de commencer pour éviter les « regards caméra ». 

Si l’interviewé regarde la caméra, il ne s’agit plus d’une discussion, mais d’une interpellation puisque le sujet s’adresse alors directement au spectateur.

Le « regard caméra », dans le cadre d’une interview, est à proscrire.

Attention, certaines personnes ont ce réflexe. Si cela vient à se produire, arrêtez l’entretien et expliquez que cette discussion se passe entre deux personnes (interviewer et interviewé) et non pas à trois (avec le spectateur).

La valeur de plan la plus adaptée à l’interview

Considérant que notre interview se fait avec un seul appareil, généralement, on opte pour un plan taille ou plan poitrine

Quand on possède un deuxième appareil, on peut cadrer en gros plan. En mélangeant plan taille et gros plan, cela facilite les coupes dans l’interview et cela dynamise le montage.

La différence de valeur d’échelle (plan taille vers gros plan) évite le « plan sur plan » qui donne cette impression de « saute » dans l’image si l’on ne respecte pas la règle des 30° pour les raccords dans l’axe.

En effet, la différence de valeur de plan permet de ne pas respecter la règle des 30 degrés.

Même avec une seule caméra, il est possible de passer d’un plan taille vers un gros plan sans altérer la qualité. L’astuce consiste à filmer en très haute définition (3840 x 2160 ). Étant donné qu’au moment du montage, la séquence sera réglée soit en Full HD (1920 x 1080), soit en HD (1280 x 720), l’interview apparaîtra de façon native en gros plan.

Pour retrouver la bonne résolution dans votre logiciel de montage, il faudra baisser l’échelle de 50 % pour passer de 3840 x 2160 vers de la Full HD (1920 x 1080) et de 66 % pour aller vers de la HD (1280 x 720).

La prise de son

Assurer une interview comme à la télévision, c’est se préoccuper de la qualité du son ! Souvent négligé lorsqu’on tourne avec un smartphone, un DLSR et même une caméra, le son devient essentiel lorsqu’il s’agit d’un tournage professionnel. 

Une « belle image » avec un « mauvais son » font un mauvais film.

Une interview inaudible étant inexploitable, cela revient à dire qu’il n’y a pas d’interview.

Pour remédier à cela, il faut :

  • placer un micro cravate (filaire ou HF) ou travailler avec un micro canon posé sur un pied perche à placer soit au-dessus, soit au-dessous du visage de l’interviewé afin qu’il soit hors champ ; 
  • contrôler le « retour son » à l’aide d’un casque ou d’écouteurs. Si vous filmez avec un smartphone, il faudra, selon la marque et le modèle, vous munir d’un câble spécial permettant d’utiliser une seule entrée de votre smartphone pour le micro et le retour son ;
  • vérifier que l’ambiance générale ne vient pas contrarier l’interview, par exemple dans le cadre d’un tournage dans un atelier avec des machines très bruyantes ;
  • si vous tournez en plein air, attention au vent ! Une bonnette anti-vent sera nécessaire.
    De même, avec un micro cravate, vérifiez bien qu’il n’y a pas de frottement avec un col de chemise, avec des cheveux (pour les femmes). Le retour son du casque ou d’écouteurs permet ce contrôle.

La lumière, agissez en cadreur éclairé !

Une interview réalisée comme à la télévision, c’est une interview bien éclairée. En intérieur, le contrôle de la lumière est toujours plus facile. Vous utilisez l’éclairage dont dispose la salle, le bureau ou la pièce où vous tournez.

Vous avez également la possibilité d’utiliser du petit éclairage qui vous servira, le cas échéant, à mieux éclairer votre sujet.

Un spot à lampes led peut se retrouver sur les lunettes de vue de l’interviewé ! 
Pour remédier à cela, soit changez l’axe de vos lampes. Soit demandez à ce que l’entretien se fasse sans lunettes

Tournage en extérieur, regardez où se trouve le soleil

En extérieur, regardez où se trouve le soleil, s’il y en a. Placez-le derrière vous ou trois quarts derrière vous. Mais attention, il risque d’être pleine face de la personne interviewée. Ce qui peut entraîner un réflexe bien humain, les grimaces. Et des ombres pas très valorisantes. 

Le soleil engendre un autre réflexe, le port de lunettes noires. 

Nous n’y faisons pas attention, mais un regard apporte tout un tas d’informations supplémentaires. Le port de lunettes noires est donc à éviter en interview.

En intérieur, dans un bureau avec une grande fenêtre ou en extérieur, faites la chasse au contre-jour.

Prenez votre temps pour sélectionner le lieu, en intérieur ou en extérieur, où doit se dérouler l’échange.

On ne choisit pas le temps qu’il va faire. Mais on peut choisir le meilleur endroit possible, facile à gérer et valorisant pour votre client. 

Mon dernier conseil concerne le déroulement de l’interview. 

Tout ce qu’il faut savoir pour mener une interview comme à la télévision

Bien sûr, vous devez le préparer. On doit savoir de quoi on parle. Il y a de ce fait un travail à faire en amont. 

Organisez une rencontre quelques jours auparavant, dans la mesure du possible, avec la personne devant passer devant le micro. Évoquez avec elle les messages à faire passer et comment y parvenir.

Quand on débute, on a souvent le réflexe d’avoir ses questions, de les « enfiler » une à une comme des perles, sans vraiment écouter les réponses.

C’est une erreur.

Rebondir sur une question peut amener une réponse parfois bien plus intéressante que celle apportée initialement. 

Pensez à laisser un peu d’espace entre le moment où vous prenez la parole pour poser une question et un autre espace au moment où vous reprenez la parole pour poser une nouvelle question.

Cela vous facilitera grandement la vie au moment du montage. 

Étant donné qu’on ne garde pas les questions, écoutez bien comment sont amenées les réponses. On doit pouvoir comprendre à quoi répond votre interlocuteur.

Pour y parvenir, voici une dernière petite astuce : il peut commencer sa réponse en formulant la question.

Question : « Est-ce que les livraisons de vos nouvelles cannes à pêche sont rapides ? »
Réponse inexploitable : « Oui. C’est pour ça que l’on a revu toute notre organisation. »

Réponse exploitable en reformulant la question : « Oui, les livraisons de nos nouvelles cannes à pêche sont rapides. Pour cela, nous avons dû revoir toute notre organisation. »

C’est maintenant à vous de faire. Bonne interview ! 

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