Si certaines séquences vidéo peuvent être construites avec des plans fixes, d’autres, au contraire, doivent bouger. Voici comment réussir vos films grâce aux mouvements de caméra.
Lors de mes interventions à l’université pour enseigner la vidéo, lors de mon premier cours, j’envoie toujours mes étudiants débutants en reportage.
Ils ne vont pas bien loin. Je leur demande juste d’aller à la machine à café et de revenir avec une séquence d’environ une minute. Le pitch est très simple.
Deux étudiants arrivent à la machine. Ils introduisent une pièce, choisissent un café. Ils le boivent et discutent.
Rien de très compliqué en somme.
Et pourtant. Le résultat est toujours le même. Mauvais ! Ou plutôt ennuyeux.
Normal. Les codes du cinéma, utilisés en vidéo ou dans tout ce qui montre des images animées, appartiennent à un langage. Réussir vos films, c’est réussir vos mouvements de caméra.
Et un langage, ça s’apprend.
Leurs films ont tous à peu près le même aspect.
Les plans sont larges. Voire très larges. Et ils sont fixes.
Et encore, je ne m’arrête pas sur la composition du cadre. Ni sur la stabilité des images. Ni sur la lumière. Ni sur le son. Ni sur tout le reste !
Non, car l’objet de cette expérience ne concerne que les plans.
Un plan représente l’œil de celle ou de celui qui tient la caméra et qui, dans ce cas précis, fait également office de réalisateur.
Les mouvements de caméra, ça s’apprend !
Instinctivement, je veux dire sans formation, on filme comme on voit. Et même si un débutant peut avoir l’idée de se déplacer avec une caméra, le langage qu’il adopte est toujours très pauvre.
Le rôle d’une formation au cinéma, que l’on utilise en reportage, documentaire ou film d’entreprise, c’est justement d’apprendre un langage qui se résume en 29 points. Et les mouvements de caméra en font partie.
Sans ce langage, le spectateur s’ennuie. Comme moi quand je regarde les premières vidéos de mes étudiants en début de formation.
Comment réussir vos films grâce aux mouvements de caméra
Les mouvements de caméra vont dynamiser votre tournage. Et faciliter toute la phase de postproduction, au moment du montage.
On peut classer les mouvements de caméra en 5 catégories :
- 1 – les panoramiques horizontaux et verticaux (ce dernier est parfois appelé « tilt »). Dans cette catégorie, on peut également noter le « roll » qui est une rotation de la caméra autour de son axe ;
- 2 – les travelling horizontaux et verticaux, avant et arrière, circulaire ;
- 3 – les travelling compensés (également appelé « effet Vertigo », « travelling contrarié » ou « trans-trav » ;
- 4 – les plans séquences ;
- 5 – les plans débullés ou cassés.
À noter que le zoom est parfois présenté comme étant un mouvement de caméra. Il n’en est rien. Il ne s’agit que d’un changement de focale permettant de varier la valeur d’un plan. D’ailleurs la caméra ne bouge pas, sauf pour le travelling compensé qui est la combinaison d’un travelling et d’un zoom.
Il en est de même avec le flou/net. Là encore, il s’agit d’un effet qui agit sur la profondeur de champ. Expliqué de façon sommaire, en faisant la mise au point (le net) sur un sujet placé au premier plan, l’arrière-plan n’est plus dans la zone de netteté. En rattrapant la netteté sur l’arrière-plan, on la perd la netteté sur le sujet placé au premier plan.
Si on place un deuxième sujet dans l’arrière-plan, on peut jouer avec cet effet en passant du net au flou (sur le sujet placé au premier plan) et du « flou au net » (sur le sujet placé à l’arrière-plan). Cet effet, appelé « bascule de point », est utilisé au cinéma, par exemple lors de dialogue entre deux personnages, l’un étant placé au premier plan et l’autre, en arrière-plan.
Mouvements de caméra et stabilisation
Smartphone, DSLR (appareil photo) ou caméra, il est important de stabiliser votre appareil. Si vous n’avez pas le matériel pour cela, il va falloir chercher à trouver des points d’appui ou des astuces pour éviter les « bougés » qui donnent le mal de mer.
On peut acheter à des prix très raisonnables du matériel destiné à la stabilisation. Celui-ci sert d’ailleurs également pour les plans fixes.
1 – Les panoramiques horizontaux, verticaux et le roll consiste à faire pivoter la caméra sur son axe, de façon horizontale ou verticale, ou autour de son axe (rotation). Pour cela, on peut utiliser un pied ou un gimble (stabilisateur).
Dans un panoramique, notamment horizontal qui est assez fréquent, privilégiez la fluidité. Soyez aussi attentif à la vitesse.
Si vous filmez à la vitesse standard, 25/images ou 30 images/seconde (sur certains smartphones, lorsqu’on filme en mode natif, seule la fréquence à 30 images/seconde est possible), préférez un panoramique assez lent pour éviter les saccades.
En passant à 50 images/secondes, vous éviterez cet écueil. C’est également la fréquence à privilégier pour faire de beaux ralentis dans votre logiciel de montage en divisant par deux la vitesse (50 : 2 = 25 images/seconde).
Sur certains modèles, et selon la résolution choisie, on peut opter pour une fréquence allant de 120 jusqu’à 240 d’images/seconde. Des fréquences très utiles lorsqu’on veut faire du slow motion.
Évitez de faire des panoramiques qui n’en finissent pas. Quelques secondes suffisent. Un panoramique révèle quelque chose. Une fois celui-ci terminé, vous pouvez rester 3 ou 4 secondes sur le sujet, si cela s’avère nécessaire.
Dans une interview, un panoramique très lent peut tout à fait être réalisé.
Encore mieux dans une interview, le travelling. Réalisé très lentement, il va le dynamiser et donner une image raffinée, pour peu que vous ayez soigné le décor.
2 – Dans un travelling, l’axe se déplace. Donc, la caméra aussi. Très utilisé en cinéma, un travelling peut être latéral ou vertical (grâce à une grue de cinéma ou un drone). Ou avec un gimble tenu à bout de bras. Il peut aussi être avant ou arrière, voire circulaire (la caméra tourne autour du sujet).
En reportage, il donne un aspect très travaillé et crédibilise votre travail.
Là encore, l’utilisation d’un stabilisateur s’avère très utile, voire nécessaire, pour créer un travelling de qualité, car il n’y a rien de pire qu’un travelling raté.
Bien entendu, monter dans une voiture qui se déplace avec sa caméra au point, c’est aussi un travelling. Même chose si vous posez votre smartphone ou DSLR sur un chariot de supermarché ! Ou si vous vous promenez à vélo ou en bateau.
C’est d’ailleurs comme cela que le travelling est né, découvert par l’un des collaborateurs des frères Lumière, Alexandre Promio, en 1896. Travaillant pour la société Lumière à Venise, il lui vient l’idée de prendre une vue depuis une gondole. Le travelling est donc français.
Le travelling existe sous plusieurs formes. Et c’est en combinant un travelling avec un zoom que l’on crée un autre mouvement de caméra : le travelling compensé.
Un mouvement de caméra inventé par Alfred Hitchcock
3 – Le « travelling compensé » est un effet créé à partir d’un mixte entre un zoom arrière et un travelling avant, ou l’inverse, un zoom avant avec un travelling arrière.
La combinaison et la bonne synchronisation de ce mouvement de caméra et de ce changement de valeur de plan semble distordre l’image. Le champ et la perspective sont déformés, donnant une sensation d’allongement ou de tassement de l’image.
On doit cet effet au réalisateur Alfred Hitchcock qui l’a utilisé pour la première fois dans son film Vertigo en 1958, sorti en France sous le titre « Sueurs froides ».
Dans les « Dents de la mer », réalisé par Steven Spielberg (1975), le travelling compensé ne dure que 3 secondes et pourtant, on ne voit que lui.
4 – Le plan séquence est une prise de vue unique. Il peut durer quelques dizaines de secondes jusqu’à quelques minutes.
Difficile à mettre en œuvre, il consiste généralement à accompagner un personnage qui se déplace au travers d’un décor ou de différents décors. Il doit y avoir une continuité spatiale et temporelle qui se prête peu au film institutionnel ou au reportage.
5 – Le plan débullé ou cassé consiste à briser la ligne d’horizon. Le terme débullé fait référence à la bulle installée sur le trépied qui permet de régler la tête de caméra et les branches du pied bien à l’horizontale.
Donc, la caméra est inclinée, soit vers la droite, soit vers la gauche. Selon le degré d’inclinaison, l’angle sera plus ou moins accentué avec les lignes verticales. Le bas du cadrage n’est plus parallèle avec la ligne d’horizon.
C’est un effet à manipuler avec précaution, car il donne aux spectateurs la sensation d’un malaise. Cependant, il a déjà été utilisé pour des interviews, par exemple dans le cadre musical avec des groupes. Cela donne un « genre » qui peut fonctionner selon la thématique. Dans le cadre de film institutionnel, il est assez peu utilisé. Et c’est peut-être un tort ?
Combiner les mouvements de caméra
Bien entendu, il est possible de combiner les mouvements de caméra entre eux. Par exemple, un traveling latéral avec un panoramique.
Mieux que de longs discours, regarder ce qui existe déjà est tout aussi utile pour apprendre à bien filmer. Trouver votre style passe d’abord par celui des autres.
Maintenant que vous avez appris comment réussir vos films grâce aux mouvements de caméra, il ne vous reste plus qu’à passer à l’action.